Assez déroutante l' oeuvre de cet artiste qui, pour tout curriculum vitae, se borne à nous donner ses "nom; Tagliazucchi; prénom: Roberto; profession: sculpteur; études: beaux-arts; né ... toujours vivant" (sic), alors que, toujours bien vivant, en effet, il peint autant qu'il sculpte et dessine autant qu'il peint car, bien que né à Carrare, le haut lieu des carrières de marbre blanc où depuis la plus haute Antiquité viennent s'"approvisionner" bâtisseurs et sculpteurs, Tagliazucchi, attiré par le dessin et la peinture dès l' enfance, ne s'est curieusement intéressé à la sculpture qu'il y a une toute petite dizaine d'années... Une oeuvre déroutante assurément car, si sa peinture comme sa sculpture sont totalement abstraites, elles n'ont en revanche aucune parenté entre elles, pas davantage que le dessin on ne peut plus figuratif et d'une facture très classique. Trois artistes donc, bien différents l'un de l'autre en un seul, et trois bons et beaux artistes dont on ne sait trop lequel préférer, Le sculpteur d'abord, dont l' oeuvre encore toute jeunette pourrait bien sûr rappeler certains de ses grands aînés tels un Brancusi ou un Gilioli, mais au diable cette manie de toujours vouloir confronter une oeuvre d'aujourd'hui avec celles du passé! La sculpture de Tagliazucchi, à quelques rares réserves près, taillée dans la masse des marbres de Carrare, vierge de toute impureté, lisse, translucide, lumineuse, aux angles arrondis, tendre et douce, sensuelle après un long, patient et subtil ponçage, suggère dans son extrême dépouillement bien plus qu'elle n'impose et, s'il n'avait donné pour titre à deux de ses oeuvres Jeu d'enfants et Danseuse, nous n'aurions rien vu d'autre dans la première qu'un haut portique ouvrant sur l'infini et dans la seconde une sorte de totem hiératique... Une exception, son Christ en croix, un bronze-maquette de 1986 pour une nouvelle église de la région parisienne, émouvant, sublime, admirable dans la simplicité, la nudité des lignes. Enfin du grand art sacré moderne qui, souhaitons-le, trouvera sa juste place à"Notre-Dame de l'Arche d'Alliance" de la Z.A.C. d'Aleray ! La place manque, hélas, pour parler comme elle le mériterait de sa peinture couleur de fresques; couleur de vitrail à l'heure où décline le jour, ou couleur de campagne aux verts acides, aux jaunes brûlés par le soleil, aux rouges triomphants ; peinture du geste, peinture mystique proche de son Christ d'Aleray..."Vous êtes croyant ?" "Oui, je crois profondément ". "Aucune parenté entre elles", la sculpture et la peinture de Tagliazucchi ? Car, au-delà de la construction, la forme et la force d'expression, il y a chez ce catholique fervent une présence spirituelle qui confère à l'ensemble de son oeuvre une unité que, de prime abord, nous n'aurions jamais soupçonnée.

Pierre BRISSET - Critique d'Art